En 2014, lors de mon premier voyage long, qui dura pas moins d'un an et demi, et accompagné de Julien, mon conjoint, nous avions choisi de rester 1 mois et demi en Indonésie. Notre objectif étant d'arriver à Bali et de repartir de l'île de Sumatra, ce qui promettait une belle traversée d'une toute petite partie de l'archipel.
Nous voici sur l'île de Java, à la moitié de ce périple. Nous n'avions pas réellement tracé notre parcours et nous nous laissions porter par le vent du moment et les conseils passants. C'est à cette période-là de ma vie que j'ai réalisé ce que représentait le fait de faire confiance aux rencontres opportunes. Elles nous guident dans des choix et des expériences de vie auxquelles nous n'aurions pas songé. Un soir, une brève rencontre avec un type très sympa, je ne me souviens ni de son nom, ni de son visage, pourtant sans lui, je n'aurai jamais vécu cette expérience complètement folle, celle de grimper au sommet d'un des volcans les plus actifs du monde, le Mont Merapi. Si tu te reconnais, je te remercie :)
Ce genre de rencontres, en voyage longue durée, on en fait tout le temps, plusieurs fois par jour, c'est un mode de vie. Les nomades curieux et bienveillants qui sont prêts à tout découvrir et partager. Une sacrée communauté ! Elle représente une belle appétence de la vie...
Dès le lendemain, nous voici parcourir Yogyakarta, en quête d'un guide pour nous accompagner sur cette ascension, qui était loin d'être une visite accessible. Mais c'est toujours là où il y avait de la difficulté que nous aimions aller, alors GO ! Nous voici à la rencontre de notre futur guide et voilà ce qu'il nous raconte. (Je vous rappelle que le Mont Merapi est l'un des volcans les plus actifs au monde, et qu'il entre encore fréquemment en éruption, la dernière en date est le 11 mai 2018) Il nous explique que très peu de guides pratiquent encore cette ascension dans l'objectif de faire découvrir aux touristes car quelques temps auparavant (mois ou année, ceci m'échappe) lors d'une randonnée, le volcan s'est réveillé tout à coup et s'est mit à gronder de toutes ses forces. Sauf qu'une fois dessus, j'y reviendrai, mais on n'y redescend pas comme ça.... Les groupes de touristes, notre guide en tant qu'accompagnant, se sont précipitamment mis à descendre le plus vite possible, dévalant la montagne et certains se retrouvant blessés gravement... Et c'est là que nous comprenons que notre guide ne montera plus jamais ce volcan, il nous accompagnera à l'entrée de la randonnée où un autre guide prendra le relai...
Voici le ton... A ce moment-là, je pense que nous étions stimulés par l’adrénaline, non réellement conscients du danger ou même de ce que cette ascension représentait vraiment. Nous étions prêts à partir le soir même. Oui, car je ne l'ai pas précisé, mais cette ascension se fait de nuit, de sorte à ce qu'arrivés au sommet nous puissions voir le lever du soleil, au-dessus des nuages...
Nous partons pour quelques heures de bus (2 ou 3h de tête), il fait déjà nuit depuis longtemps, nous devons commencer la marche à minuit pour arriver au sommet à 5h. Vous l'avez compris, 5h de marche à l'aller nous attendent de nuit. Et nous n'avons pas pris la précaution de nous reposer dans la journée (ah la jeunesse !).
Nous arrivons à l'entrée de cette marche avec un groupe d'une dizaine de personnes, d'origines très différentes, de milieux très différents, et avec des motivations très différentes. Je me souviens d'un homme d'affaire accompagné d'une collègue à lui qui pensait à une simple excursion, sur terrain balisé. Elle a fait cette marche en sandales !!!! Nous faisions partie des meilleurs niveaux du groupe en terme d'endurance, ils nous semblaient évidents que tout le monde n'avait pas pour habitude de randonner. Nous rencontrons deux jeunes français d'à peu près nos âges, étant très expérimentés en matière de marche, et qui faisaient le tour du monde des monts les plus difficiles à grimper. Bon, le mont Merapi ne fait que 2900m environ... ce qui est déjà pas mal ! Je vous assure ! Nous nous motivions ensemble car le groupe a fini très vite par se séparer. Nombreux ont été ceux qui ont abandonné, tant le niveau était difficile. Ce qui m'a marqué c'est surtout la fatigue par laquelle j'ai été prise, du fait de ne pas avoir dormi avant d'y aller, et parce que le fait de marcher en pleine nuit amène à une forme de somnolence. La sensation est très étrange et peu agréable. Les heures passaient très lentement, car à la différence de toutes randonnées, c'est que les moments de répit se font en pleine nuit, donc sans magnifique paysage à observer. On ne se rend absolument pas compte de ce qui nous entoure, à part à quelques endroits où l'on aperçoit la ville au loin par ses millions de lumières... La fin pénible se rapproche, et notre guide se met à devenir très désagréable avec nous car il ne souhaite pas continuer la randonnée et nous demande de payer plus cher pour pouvoir continuer... Ce sont des techniques très courantes en Asie. Aujourd'hui je vous le raconte avec beaucoup de détachement, mais à l'époque, ça avait le don de me rendre furieuse. Particulièrement à ce moment de fatigue, où la dernière chose dont on a envie est de négocier... Les deux français nous accompagnant ont eu plus de forces que moi à ce moment-là pour demander au guide de continuer sans payer plus, car c'est ainsi que c'était convenu. Il a fini par céder fâché. Sympa l'ambiance !
Nous continuons ainsi ce périple sans fin, à la cinquième heure... Je commence à craquer sérieusement. Les montées ne terminent jamais. Le soleil s'apprête à se lever. Mais voilà, je n'ai plus de force et il reste le cratère à grimper. Le plus difficile évidemment puisqu'il est constitué de sable qui s'enfoncent à chaque pas. J'ai compris que certaines limites sont difficiles à franchir, mais je pense qu'en pesant le pour et le contre rapidement dans ma tête, j'ai bien fait de ne pas aller au sommet. Etant donné l'état de fatigue dans lequel j'étais, même s'il était très proche, j'aurai pu me blesser facilement, même si une part de moi regrette. La bonne nouvelle est que je sais très bien gérer ma frustration désormais (ça dépend pourquoi hein, comme tout le monde !). Nous avons ainsi, mon chéri et moi, attendu ensemble, plus que tous les deux, le lever du soleil, où la vue était exceptionnelle. Quand je médite et que je pense à un paysage, il m'arrive souvent de penser à celui-ci. MAIS QU'EST-CE QU'IL FAISAIT FROID ! Et nous avions encore 5h de marche à faire pour redescendre ce sommet... Et vous savez quoi ? Le soleil met vraiment beaucoup de temps à se lever !!! ça ne fait pas du tout comme dans le Roi Lion, où le soleil se lève le temps d'une chanson... C'est bien plus long que ça ! Mais quel spectacle incroyable...
Le retour a été vécu dans ma tête beaucoup plus rapidement. Notre objectif était de descendre le plus rapidement possible car il ne faut pas oublier que nous sommes en Indonésie et que les températures s'élèvent très vite. En randonnée, c'est pas terrible. Et c'est là qu'on est confronté à une énergie naissante au fond de soi, dont on ne soupçonnait même pas l'existence. Elle a lieu d'exister car on se rapproche de la fin de l'exercice périlleux. Et nous avons toute la force nécessaire pour redescendre ce volcan, et nous retrouvons petit à petit les compères du début. La descente de la montagne en randonnée, pour ceux qui savent, est loin d'être plus facile que la montée, car les genoux travaillent énormément. Et nous avons finalement terminés cette marche sains et saufs, avec une nouvelle expérience de vie...
La fatigue nous empêche souvent de profiter réellement des moments que nous vivons dans le présent. Pourtant je m'en souviens parfaitement et je le vois comme un souvenir heureux malgré tous les désagréments qui le composent. J'ai vécu un moment de ma vie où beaucoup d'émotions fortes se sont confrontées, : survie, combat avec soi-même, aventure extrême, découverte de merveille, colère, curiosité, bien-être de la nature, danger de la nature.....
Bref, beaucoup de sentiments et émotions qui se confondent, ce souvenir est exceptionnel, il est le mien.
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